Simplement expliquées par l’ancien cycliste tchèque professionnel, Michael Moureček qui a fait partie de quelques équipes italiennes dans les années 90 avant de retrouver son pays avec l’équipe de Dukla Prague. Il est actuellement copropriétaire de Festka, la marque de vélo haut de gamme tchèque.
1. Vous avez peu de chance de passer pro
La première surprise est la plus décevante : vous ne réaliserez probablement pas votre rêve de passer pro. Devenir cycliste professionnel n’est pas le résultat d’une décision interne mais plutôt le fait de la gestion de coïncidences. C’est bien votre désir et votre volonté qui seront à l’origine d’un processus et pourtant vous seriez stupéfait de voir combien peut s’avérer exigeante toute votre démarche.
Vous pouvez être incroyablement performant en gagnant des courses locales mais passer au véritable niveau professionnel est une étape extrêmement difficile dont seuls les professionnels peuvent témoigner. Un peu comme le monde de la musique professionnelle. Vous pouvez avoir un très bon groupe qui rencontre du succès, vous percevoir comme un véritable pro, mais il n’en reste pas moins qu’un immense fossé vous séparera toujours de Metallica.
2. Votre carrière sera de courte durée
Une fois que vous êtes parvenu à intégrer une équipe professionnelle, vous serez surpris de voir que votre carrière sera de courte durée. En moyenne, les cyclistes prennent le départ des grandes courses aux alentours de 25 ans mais rares sont ceux qui poursuivent leur carrière après l’âge de 30 ans. Ce qui n’est pas très juste par rapport à d’autres professions.
Prenons les Rolling Stones par exemple. Ils ne donnent pas beaucoup de concerts à l’âge de soixante ans mais ils font toujours des tournées mondiales. Des cyclistes tels qu’Erik Zabel, qui remportait des étapes alors qu’il avait une quarantaine d’années, sont particulièrement rares. La durée de la carrière d’un cycliste est comparable à celle d’un danseur de ballet. C’est beau, c’est magnifique mais une fois que le rideau tombe à terre, c’est fini.
3. Rares sont les victoires
Si les amateurs envisagent le sport en termes de résultats, certains des véritables professionnels sont rémunérés pour d’autres valeurs. Certains d’entre eux sont acclamés, convoités et bien payés alors qu’ils ne remporteront même pas une grande course dans toute leur carrière. Un rôle bien spécifique leur a été attribué au sein de la hiérarchie de l’équipe, à savoir celui d’aider d’autres membres de l’équipe dans leurs tentatives de gagner le titre.
Il est évident que tout le monde n’est pas capable d’endosser ce rôle mais dans le cyclisme professionnel cette façon de faire est considérée comme normale. L’on demande souvent aux professionnels si le fait que le titre ait été remporté par l’autre gars de l’équipe leur pose problème mais en fait, cela fait partie du travail comme partout ailleurs, y compris dans l’organisme de bienfaisance pour lequel vous travaillez.
4. La formation est finie
Le cyclisme professionnel c’est tout sauf de la course. Il n’y a tout simplement plus le temps de se former. Alors que les athlètes du pentathlon moderne s’alignent généralement sur cinq grands évènements au cours de l’année, les cyclistes peuvent prendre le départ d’une centaine de courses en une seule saison. Un peu comme les joueurs de tennis. Toutefois, si ces derniers ne parviennent pas à se qualifier pour Roland-Garros, ils font leurs sacs et rentrent chez eux. Les coureurs cyclistes, eux, doivent se battre du début jusqu’à la fin de chaque étape de courses qui peuvent durer plusieurs semaines.
5. Vous êtes seul
Vous ne vous sentez pas vraiment seul étant donné que vous êtes toujours entouré de beaucoup de personnes à n’importe quelle heure de la journée mais, en même temps, ne pas voir sa famille pendant un certain temps peut vraiment vous mettre le moral à zéro. Les cyclistes n’ayant pas le temps de retrouver leurs conjoints pendant les courses, ces derniers restent généralement à la maison.
Bien sûr, les joueurs de football peuvent aussi être amenés à traverser la moitié de la planète pour jouer au Brésil, en dehors des Championnats Mondiaux se tenant tous les deux ans, il ne leur faudra néanmoins que deux ou trois jours pour retrouver leurs proches. Au contraire, les grands évènements cyclistes peuvent durer jusqu’à 21 jours, ce qui laisse tout le temps de songer au divorce.
6. Votre salaire ne correspond pas aux efforts fournis
Le cyclisme professionnel est indéniablement une très belle expérience mais peu sont ceux qui en une décennie sont capables de remporter des évènements tels que le Tour de France. Vos chances sont aussi faibles que si vous ambitionnez d’être le prochain Michael Jackson ou la prochaine Madonna.
Même si vos résultats sont bons et que vous aspirez vraiment à devenir la prochaine étoile du cyclisme, votre salaire est comparable à ce que les joueurs de tennis professionnels toucheront lorsqu’ils sont éliminés à mi-parcours d’un tournoi de province. Les cyclistes professionnels peuvent être doués et exceptionnels au même titre que Madonna, mais leurs salaires restent ceux de chanteurs d’opéra (évidemment pas Bocelli ou Pavarotti).
7. Vous devez prendre soin de vous
Lorsque vous êtes footballeur professionnel, tout le monde prend grand soin de vous même lorsque vous devenez inutile étant donné que votre manager doit toujours se débarrasser de vous moyennant un prix de transfert faramineux. Ce n’est pas le cas dans le cyclisme. Vous signez généralement un contrat de deux ans et si vos résultats ne sont pas à la hauteur des attentes vous serez licencié sans indemnité.
8. Vous n’êtes pas décisionnaire
Alors que les joueurs de tennis peuvent décider de participer (ou non) à tel ou tel tournoi ou de signer un contrat (ou non) avec Nike ou Adidas, le directeur sportif de l’équipe est le seul maître à bord et vous êtes juste là pour obéir à ses ordres.
9. Un grand vide après la fin de la carrière
Lorsque votre carrière est finie, vous êtes un homme mort, même si vous faisiez partie des meilleurs. Dans d’autres sports, vous pourriez vous reconvertir dans l’entrainement de jeunes ou siéger dans l’une des instances du sport que vous pratiquiez. Ce n’est pas le cas pour le cyclisme. Néanmoins, nombreux sont les cyclistes qui réussissent leur reconversion dans des secteurs d’activité complètement distincts.
10. Peu de cyclistes ont des regrets
Et pourtant, après tout ce que je viens de dire, les cyclistes devenus pro n’expriment que peu de regrets. La plupart des anciens cyclistes n’auraient rien changé à leur parcours. Devenir cycliste professionnel est un grand défi à relever et pour ceux l’ayant justement relevé, c’est toujours une merveilleuse parenthèse dans leur vie.
Un vieil italien m’a dit lors d’une course où les fans dormaient dans des tentes le long du parcours : « Les fans n’encouragent pas les cyclistes, ils leur rendent hommage. Et c’est là toute la différence entre le cyclisme et d’autres sports. Alors qu’à la fin d’un match de football, il y a toujours la moitié des spectateurs qui quitte le stade la rage au ventre et les yeux mouillés de larmes, le cyclisme ne suscite que de la joie. Quelle que soit la nationalité ou le propriétaire de l’équipe, les spectateurs applaudissent tous les coureurs. C’est une chose que vous ne verrez jamais dans aucun autre sport. »