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Rouler fort sur les cyclos et constater que l’on arrive à semer du monde donne parfois envie d’aller plus loin. On veut savoir ce que l’on pourrait valoir en course, on rêve de se frotter aux autres, d’entrer dans le jeu des relais, des attaques et des sprints. De se prendre pour un coureur ! Est-ce un objectif accessible ? Sébastien Joly, ancien cycliste professionnel et aujourd’hui Directeur de la stratégie sportive de l’équipe DECATHLON AG2R LA MONDIALE, partage son regard sur ce virage ambitieux que tu pourrais avoir envie de négocier.

Sébastien Joly a été coureur professionnel pendant douze ans et a participé à quatre reprises au Tour de France. Il a ensuite embrassé une carrière d’entraîneur et de directeur sportif à partir de 2013. Depuis novembre 2023, il fait partie de l’équipe DECATHLON AG2R LA MONDIALE où il occupe le poste de Directeur de la stratégie sportive. Avec son regard affûté, il t’éclaire sur les passerelles — et les limites — entre cyclosportives et cyclisme de compétition.

Cyclo motivé mais compétiteur débutant

Un cyclosportif développe une belle endurance, fruit d’un entraînement assidu et d’une hygiène de vie de qualité qu’il a su mettre en place pour préparer ses objectifs. Au fil des années, il a ainsi réussi à créer son modèle de performance à son échelle : se sentir prêt au départ des cyclos et, année après année, améliorer ses sensations et idéalement ses allures et classements. Mais cela ne prépare pas forcément aux exigences de la course. “Un cyclosportif va lisser son effort du début à la fin, sans les changements de rythme qu’on retrouve en compétition”, note Sébastien Joly. L’explosivité, les relances, le placement et la tension constante du peloton sont autant d’éléments à découvrir… et à apprivoiser.

“Tout ça, ça ne s’improvise pas, développe-t-il. On le voit bien quand on compare les temps de l’Étape du Tour, la célèbre cyclo organisée par A.S.O, et les chronos d’ascension ne serait-ce que des membres du gruppetto du vrai Tour de France. C’est une autre dimension.” Sois donc conscient qu’avoir pris du plaisir sur une cyclo ne doit pas te conduire à te prendre immédiatement pour le prochain Bernard Hinault, mais qu’à ton échelle, à ton niveau, goûter au frisson de la course peut s’envisager. “On voit de plus en plus de passerelles se faire entre certains sports et le cyclisme sur route, donc je considère qu’aujourd’hui, tout est possible, même pour éventuellement devenir pro, concède Sébastien Joly. Alors à un niveau amateur, pourquoi pas ? Il faut un certain bagage, mais ça s’apprend.”

L’adrénaline de la course, l’engagement collectif

S’il fallait résumer en un mot ce qui distingue une cyclo d’une course, pour Sébastien Joly, c’est : “Engagement.” Il précise : “Ce n’est pas juste physique. C’est mental, émotionnel. En course, tu dois oser prendre ta place. Tu roules à 45 km/h au milieu d’un peloton serré, ça frotte, ça parle, ça hurle parfois. Il ne faut pas avoir peur.” L’apprentissage est progressif. Et indispensable. “On peut apprendre à rouler en peloton. C’est même comme ça qu’on progresse : plus on le fait, plus on débloque des choses mentales, plus on se retire des freins. C’est grisant, ce moment où tu réalises que tu n’as plus peur, que tu sais te placer, que tu sens la course”, décrit-il.

Mais cet engagement demande aussi un juste dosage : “Trop engagé, t’es tendu. Et quand t’es tendu, tu consommes de l’énergie inutilement. Tu te fatigues. Il faut aussi apprendre le relâchement, la fluidité. Certains ont ça naturellement. D’autres doivent l’acquérir.” La course, contrairement à la cyclosportive, est aussi un sport d’équipe et c’est aussi ce que tu pourrais aller chercher dans l’univers de la course cycliste : se fondre dans un collectif, créer des émotions communes, s’investir dans un rôle et y trouver un épanouissement différent de celui de l’effort solitaire des cyclos. “En course, tu as une mission, explique le stratège de l’équipe WorldTour. Ce n’est pas toi qui vas briller, mais ton collectif. Et ça, ça change tout.”

S’entourer : un club et un entraîneur pour franchir le cap

Vouloir “faire la course”, c’est aussi accepter qu’on ne peut pas tout faire seul et qu’il faut rentrer dans un nouveau système de fonctionnement. Tu ne vas plus être ce cyclo qui fait sa préparation à sa sauce et voit le plaisir avec tout. En course, si t’es parmi les derniers, on ne va pas se raconter d’histoires : c’est vite démotivant. “Même avec des notions d’entraînement, je pense que tu ne peux pas être ton propre coach, admet Sébastien Joly. Si tu la joues solo, tu peux mal gérer ta récupération. Ou à l’inverse, ne pas te pousser assez. Il faut un regard extérieur, posé, qui t’aide à progresser sans te cramer.”

L’expérimenté Directeur Sportif explique que la demande dans ce domaine a explosé depuis quelques années : “Aujourd’hui, même à un niveau amateur, beaucoup ont un coach perso. Ce n’est pas un effet de mode : c’est une vraie réponse à un besoin. Les jeunes notamment, en clubs, sont de plus en plus suivis individuellement et ça change tout.” Aussi, se lancer dans la compétition, c’est rejoindre un club et donc un encadrement. C’est avoir des collègues d’entraînement et se tirer vers le haut. C’est travailler la confiance, débloquer des automatismes, surmonter ses peurs et apprendre, donc, à vitesse grand V. 

Et si ce n’est pas pour moi ? Tant mieux, j’ai essayé

Bon, il faut être clair sur un point quand même : pour faire des courses, il faut avoir les jambes qui suivent et s’imposer un réel degré d’investissement. Il faut cibler le bon niveau de compétition pour espérer y trouver son compte. Mais on peut aussi ne pas y arriver. “Si tu tentes et que ça ne te plaît pas, pas de drame !, relativise Sébastien Joly. Le but premier, quand on fait du vélo, c’est de sortir, de découvrir, de se faire plaisir. Le reste, c’est du bonus.” Avant de te jeter à l’eau, de prendre une licence, de trouver un club et d’envisager d’épingler ton premier dossard, demande toi quelles sont vraiment tes motivations quand tu sors ton vélo. Si tu n’as pas la réponse à ces questions, alors explore, essaye, mais ne te dégoûte pas non plus d’un sport que tu aimes.

“Sur les cyclosportives, tu prépares ton matos, ton gâteau sport, tu te fais ta petite orga, résume Sébastien Joly. Tu vises une perf, oui, mais dans un cadre plaisir, en profitant du paysage, en visant un dépassement très personnel. En course, tu luttes contre les autres, tu vis des émotions brutes. Tu peux gagner. Faire mal à un adversaire. Passer la ligne le premier. Ou te sacrifier pour un coéquipier. Ce sont des sensations qu’on ne vit pas ailleurs. Moi, c’est ce que j’ai le plus aimé dans le vélo et ça m’a conduit à devenir coureur professionnel, mais chacun est différent et ce sport peut se vivre de plein de manières différentes. Trouve juste celle qui te correspond, car le plus important, c’est déjà d’avoir une passion !”

Si cet article t’a donné envie de te lancer dans l’univers de la compétition cycliste, alors le premier pas, c’est sans doute de te rapprocher d’un club FFC proche de chez toi. Sur le site internet de la fédé, tu peux trouver toutes les coordonnées nécessaires et poser toutes tes questions aux encadrants et formateurs passionnés qui te feront peut-être devenir, demain, un vrai coursier !