Le coup d’envoi de l’UCI WorldTour a été donné mi-janvier en Australie, avec le traditionnel Santos Tour Down Under. Le calendrier européen s’est également ouvert et les premières batailles prestigieuses sur route approchent à vitesse grand V. L’occasion pour Škoda We Love Cycling de vous emmener dans les coulisses de la DECATHLON AG2R LA MONDIALE Team, et d’en savoir davantage sur la préparation d’une saison palpitante avec Jean-Baptiste Quiclet, entraîneur au sein de la structure française depuis 2013.
Škoda We Love Cycling : Comment se découpe une préparation hivernale au sein de votre équipe ?
Jean-Baptiste Quiclet : Notre préparation se découpe en trois stages de pré-saison. Le premier a lieu en octobre : on fait le bilan avec des évaluations médicales puis on prend les mesures pour les équipements. Il y a des réunions de débriefing puis c’est aussi le moment de fêter la fin de saison. Le deuxième a lieu en décembre et le troisième en janvier. Les coureurs ont un break entre les deux premiers. Le groupe se divise en trois lors du dernier stage : une partie part en Australie tandis que les deux autres partent sur des sites différents en Espagne: les grimpeurs en Sierra Nevada et les classicmen près de Calpe. Le stage le plus important, c’est celui de décembre. C’est le seul moment de l’année où tous les coureurs se retrouvent ensemble et font du vélo en même temps au même endroit.

Pourquoi le stage de décembre est-il si important ?
Sportivement déjà, il a pour objectif de construire la base foncière des coureurs, de faire du volume aérobie, après une coupure qui dure généralement quatre à six semaines. C’est la première fois qu’ils doivent à nouveau faire une charge de travail importante. Ensuite, il y a tout ce qui tourne autour : les supports marketing et produits, le test des nouveaux équipements, les réglages et les optimisations. Ce stage regroupe aussi tous les volets liés à la performance : la nutrition, le médical et le pôle performance. C’est à l’issue de cette période que le groupe repart avec son planning de compétition. Tout se met en route à ce moment-là par rapport aux objectifs du coureur et de l’équipe.
Comment se décide le planning de courses ?
On rédige d’abord les objectifs de l’équipe puis on analyse nos forces et faiblesses. On a un calendrier obligatoire avec le WorldTour et les courses en France. Ensuite on a un pool de compétitions non obligatoires qui nous permettent de préparer des objectifs.
C’est quoi, une journée, une semaine type d’un stage ?
En général, ce stage se fait sur deux blocs de quatre jours avec une journée de récupération entre les deux. Une semaine type, c’est trois à six heures de vélo par jour en alternant le vélo de route et celui de contre-la-montre. L’après-midi c’est séance de musculation ou entretiens individuels puis en soirée, ce sont des meetings.
Il y a peu de temps de récupération finalement entre la fin d’une saison et le début d’une autre, avec une préparation qui débute alors que certains coureurs sont encore en course en Chine par exemple…
Les saisons se touchent et il y a donc des stratégies de break qu’on met en place dans la saison. L’an dernier par exemple, nous avons mis Ben O’Connor au repos durant tout le mois de juin après le Giro, pour reprendre l’entraînement en juillet pour préparer la Vuelta en août. On parvient à dégager de vraies coupures en pleine saison, ce qu’on ne pouvait pas faire il y a quelques années.

Après plus de dix ans dans le monde du cyclisme pro, de tes débuts comme entraîneur chez Besson Chaussures aux podiums du Tour de France avec Romain Bardet (2016, 2017), constates-tu des changements d’approche, de méthode dans une prépa ?
Oui, la connaissance des coureurs est bien meilleure grâce aux tests d’évaluation, le monitoring de la data… On connaît mieux nos athlètes et leurs limites. Il y a des stratégies par profil : grimpeur, puncheur, sprinteur. Il y a une plus grande précision sur les qualités numéro un du coureur.
Comment bien intégrer et préparer des jeunes coureurs comme Paul Seixas et Léo Bisiaux, qui vont découvrir le niveau WorldTour ?
On a la chance d’avoir une filière de formation, avec une politique de décloisonnement. On ne fait pas faire des entraînements WorldTour à des Juniors mais il y a une aspiration graduelle et progressive. La méthode est donc connue, avec bienveillance et prudence, puis on a un monitoring qui nous permet de savoir si on est dans le trop ou pas assez.
Quels sont les secrets d’une prépa réussie ?
Tout d’abord un bon état d’esprit, dans le travail mais à la fois de bonne ambiance. Il faut éviter les pépins comme les chutes et les maladies. Les organismes sont un peu mis à rude épreuve par la météo et la reprise d’activités sportives. Il faut aussi bien appréhender le nouveau matériel. Enfin, il y a tout ce qui peut être anticipé et ne pourra pas être fait en saison. Quand le stage de décembre est terminé, si tu n’as pas véhiculé le bon message avec la bonne méthode à ce moment-là, tu sais que dans l’année tu auras du mal à mettre en place certains processus.